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François-Xavier Pietri journaliste et auteur de "Voiture électrique : ils sont devenus fous ! "(Éditions de l’Observatoire, en librairies depuis le 12 octobre) est l'invité de 6h20 de France Inter, à l'occasion de l'ouverture du Mondial de l'Automobile à Paris.
100% des voitures vendues en France en 2035 seront électriques ou hybrides : c'est ce qu'assure Emmanuel Macron ce lundi matin dans une interview aux "Echos", à l'occasion de l'ouverture du Mondial de l'Auto à Paris. Cet objectif "est tenable, mais à quel prix ?" s'interroge François-Xavier Pietri, journaliste spécialisé. Aujourd'hui, 20% des nouvelles voitures sont électriques.
Les "dégâts écologiques considérables" du lithium
Le journaliste pronostique qu'en 2035, "il y aura beaucoup beaucoup beaucoup de voiture importées de Chine", car la filière électrique sera loin d'être 100% française. "Aujourd'hui, les batteries sont produites à 80% par l'Asie. Renault va s'associer avec la Chine pour construire des batteries en France dans des giga-factories", explique-t-il.
Emmanuel Macron évoque aussi l'ouverture en France de mines de lithium, qui sert pour fabriquer les batteries. Ce à quoi François-Xavier Pietri ne croit pas, pour des raisons de normes environnementales. Il rappelle que "le lithium provoque des dégâts écologiques considérables". "Pour sortir un tonne de lithium, il faut utiliser un million de litres d'eau. Pour produire le lithium d'une seule batterie, il faut la consommation d'eau de 500 personnes pendant un an", dit-il. "Alors on assèche le Chili. Mais on n'est pas capable en Europe de faire ça, quand on voit les problèmes de sécheresse qu'on a eu cet été. Donc si on en développe, ce sera toujours très faible", analyse-t-il.
Fin des voitures à moteur thermique :
"On ne peut pas se projeter dans l’avenir"
, déplore un sous-traitant
Par Victor Vasseur

La fin de la vente des voitures neuves à moteur thermique à l’horizon 2035 inquiète les sous-traitants de l'automobile. Reportage dans la vallée de l'Arve, en Haute-Savoie.
Le ronronnement des machines est incessant. Certains sont robotisées, la précision du mouvement des bras captive l'attention. Dans cette l'usine de l'entreprise Bontaz à Marnaz (Haute-Savoie) sortent des petites pièces mécaniques de très grande précision. Au bout de la chaîne, celles-ci se retrouveront par milliers dans nos voitures. Ces pièces sont essentielles pour les véhicules à moteur thermique, mais pas pour les voitures électriques, qui en comptent jusqu'à dix fois moins. Le décolletage, comme on appelle cette industrie, emploie 11.000 salariés dans la vallée de l’Arve, qui s’étend de La Roche-sur-Foron jusqu'à Chamonix. Depuis l’annonce de l’interdiction de la vente des voitures thermiques dans l’Union européenne à partir de 2035, une certaine inquiétude plane, même si les entreprises commencent déjà à préparer l’avenir et à trouver de nouveaux débouchés.
La crainte d'emplois supprimés
Arnaud, 42 ans, a toujours un torchon à portée de main pour se nettoyer les mains, noircies par l'huile. L'ouvrier travaille dans cette entreprise depuis quatre ans. Mais à cause de la fin programmée des voitures thermiques, "on ne peut pas se projeter dans l’avenir", regrette-t-il. "Notre gouvernement a oublié que ce qu’il allait mettre en place allait supprimer des emplois", poursuit-il. "Cela m’inquiète énormément. Qu’est-ce qu'on va faire ? On a tous des familles à nourrir."

Le décolletage, 20% du PIB de Haute-Savoie
La Haute-Savoie concentre 70% des entreprises de décolletage en France. Elles sont un symbole du département, une fierté et un poumon pour son économie : cette industrie y représente 20 % du PIB. Pourtant, elles est peu connue en dehors de ce département. Le décolletage est dans l’ombre des grands constructeurs, alors que ses pièces sont indispensables pour fabriquer une voiture.
Il a pris ses quartiers dans la vallée au XVIIIe siècle, des pièces mécaniques étaient alors fabriquées pour l'industrie horlogère genevoise. Avec le temps, le métier a perduré, les clients ont changé. Place à l’automobile. Des pièces pour l’aéronautique et le médical sont aussi produites, mais les volumes sont beaucoup plus faibles.
"Un problème de tempo"
Avec cette décision de l'Union européenne, l'avenir est incertain, reconnaît Christophe Bontaz. Il est à la tête d'un groupe de 4.000 salariés, dont 450 dans la vallée de l'Arve : "L’idée on la comprend, mais c’est un problème de tempo." Le patron de cette entreprise familiale accueille dans son grand bureau entouré de baie vitrées. Les locaux sont neufs et s’étendent de part et d’autre de l’autoroute. Son sourire se crispe quand il parle de la fin du thermique : "On voit d’un œil prudent et inquiet l’arrivée des moteurs électriques. Il n’y aura presque pas de composants usinés. On s’attend à une forte incidence pour ceux qui, dans la vallée, fabriquent comme nous des pièces liées aux moteurs thermiques."
Pour Christophe Bontaz, d’autres solutions auraient pu être proposées, comme la réduction de la vitesse sur les routes, permettant de réduire la consommation de carburant et donc l'impact écologique. Il dénonce aussi le "non-sens de faire des SUV qui pèsent deux tonnes et demie, complètement électriques, alors qu’une petite Seat Ibiza consomme deux fois moins".
L’inquiétude touche aussi les élus de la vallée, comme le maire de Scionzier, Stéphane Pépin. Il connaît bien ces usines, il y a travaillé quand il était jeune : "La fin du moteur thermique est une épée au-dessus de la tête de cette industrie. J’avoue que cela va se complexifier. L’industrie de la voiture qui tire nos sous-traitants semble être dans une période particulière. C’est préoccupant." L’élu s’interroge : "Est-ce que tous pourront rebondir ?", et concède : "Le tout électrique dans les mobilités sera compliqué pour nos entreprises."
Le vélo électronique comme palliatif
À l’image de Bontaz, les entreprises ont pris les devant et cherchent à se diversifier. Les ingénieurs planchent sur des moteurs à hydrogène. Bontaz compte aussi s'insérer dans le marché du vélo électrique : des moteurs, des freins à disques hydrauliques, des boîtes de vitesse. Des prototypes sont en phase de test. Les perspectives ne sont pas si sombres, veut croire Lino, 72 ans. Ce Haut-savoyard a cédé son entreprise il y a une dizaine d’années, après 43 ans passés dans le décolletage : "Nous sommes dégourdis dans la vallée, on sait tout faire. De la pétrochimie, du dentaire, des valves cardiaques, de l'automobile, des trains, des avions… on sait tout faire !" De quoi, demain, espère-t-il, ne plus être dépendant du marché automobile.
Le journaliste s'inquiète aussi d'une disparité entre les riches et les pauvres. "Pour être vertueux, il faudra mettre de l'argent. Une Zoé électrique, au prix catalogue, c'est 32.000 euros. Une Clio essence c'est 17.000 euros", dit-il. Quant au futur de l'industrie automobile française, il pense que "les grands constructeurs vont s'en sortir". D'après lui, "ceux qui vont souffrir, ce sont les petits, les sous traitants, ceux qui fabriquent les embrayages, les culasses".
Il pointe du doigt un passage à l'électrique "brutal". "Il y a d'autres solutions, les voitures au bio gaz et à l'hydrogène par exemple", conclut-il.